Héloïse, “Rencontrer le prince des nuits”

Il est 15h30, dans 1h30 il faut que je sois postée. Je prépare mon sac à dos : Jumelles, appareil photo, fiche terrain, pull, écharpe et bonne veste pour affronter le froid de la tombée de la nuit.

Ce soir le plan est simple, il me faut être postée dans la vallée du Rimouren au coucher du soleil. Pour cela il me faut passer au bureau. Prendre une voiture de service. Rejoindre Laura à Bourg-St-Andéol, conduire jusqu’à la vallée du Rimouren, atteindre le point d’écoute et enfin me poster.

Je me repasse une dernière fois le plan dans la tête et je suis en route. Je m’arrête au bureau et prend le véhicule de service puis je m’en vais chercher Laura.

Laura, elle travaille au SGGA avec moi, elle est chargée de mission NATURA 2000, elle connait bien le Rimouren puisqu’elle gère cet espace naturel. Une fois Laura retrouvée, on s’en va vers notre objectif, 10 petites minutes de voiture et nous sommes sur place. Le temps de s’équiper et nous voilà parties dans le lit de la rivière pour rejoindre le poste d’écoute. C’est la première fois que je viens ici, la lumière du soir donne à cet espace quelque chose de chaleureux. On évolue doucement dans le petit canyon du Rimouren. Je fais confiance à Laura qui marche d’un pas assuré. Cela fait un petit quart d’heure qu’on marche et le canyon se referme…impossible d’aller plus loin. Il est déjà trop tard pour changer de point d’écoute alors on décide de rester là. C’est parti pour une heure d’écoute. Un tichodrome vient nous rendre visite. Ce petit oiseaux rouge et noir au vol de papillon et au long bec courbé profite des dernières lueurs pour dégoter les quelques insectes qui trainent sur la falaise.

Si je me retrouve ici ce n’est pas pour rien, je recherche le prince de la nuit : Le Hibou Grand-Duc. C’est une espèce de rapace nocturne qui, quand vient l’hiver, s’époumone à la nuit tombée pour chercher une partenaire. Son plumage imite si bien son environnement qu’il est extrêmement difficile de le trouver de jour sur son reposoir. Quand viennent les couleurs du crépuscule il sort de sa cachette pour faire ses vocalises et nous offrir son fameux “HOU-HÔ” qui résonne à plus d’1 km ! Mon objectif est de localiser son nid pour le protéger d’éventuels dérangement qui pourrait causer l’abandon du nid et parfois même des poussins.

Il est 17h le soleil se couche et l’attente commence. On est bien cachées, peut-être un peu trop. Les goutes qui ruissèlent puis tombent de la paroi sont pour le moment la seule chose que mon oreille perçoit. Un premier quart d’heure passe et la fraicheur s’installe. Le rayons du soleil ont totalement disparu. Le temps passe et on s’impatiente, les bout des doigts sont bien froids maintenant. D’un coup quelque chose résonne au loin ! Mon regard croise celui de Laura, elle aussi l’a entendu. Puis un second écho suffit à nous faire comprendre qu’il s’agit en fait d’un chien qui aboie au loin. On ne perd pas espoir et on continue notre tâche. Les minutes s’écoulent et l’heure arrive à sa fin. Encore une fois le prince de la nuit ne s’est pas présenté. On range nos affaires et on repart. Sur le chemin de retour, on croise de belles larves de salamandres. Certes ce n’est pas ce qu’on est venu chercher mais pour moi c’est tout aussi réjouissant de croiser cette espèce.

 

Au total je dois me rendre sur 11 points pour réaliser le même protocole et ce une fois par mois pendant trois mois. Pour le moment je me suis rendu sur 9 d’entre eux, et à chaque fois l’issue est la même.

Mais je ne perds pas espoir, le Grand-duc est une espèce incroyable que j’ai déjà eu l’occasion de croiser. Il est majestueux et je compte bien faire la connaissance des princes qui habitent le sud de l’Ardèche. Certains diront que c’est peine perdue mais je continue et je continuerai jusqu’à la rencontre incroyable de ce super prédateur ailé.